De « l’inutilité » du Bloc québécois.

Il est de bon ton chez maints fédéralistes ultras de qualifier le Bloc Québécois d’inutile. Ce mot leur saute aux lèvres dès qu’ils en parlent, et les plus indigents parmi eux en ont même fait un slogan, un mantra, une litanie.

Ça leur est devenu un automatisme. Or, la caractéristique d’un automatisme est de ne jamais être questionné par ceux qui en sont affectés. Pathologie.

Grave atrophie du sens critique.

Essayons de pallier.

Inutile. Pourquoi inutile ? Par opposition à «utile», je suppose. Qu’est-ce qui empêche le Bloc d’être utile ? Vous dites ? Le pouvoir ? Ah, le pouvoir. Le Bloc Québécois ne peut pas accéder au pouvoir, donc il est inutile. C’est simple, non ?

Non. C’est simpliste, plutôt — mais certains fédéralistes n’en sont pas à leurs premières armes en fait de simplisme… ou de sophismes.

Il y a là-dedans deux pseudo-évidences implicites : avoir comme représentants des députés du parti au pouvoir est utile, et rien d’autre n’est utile.

Je soupçonne ceux qui «raisonnent» de la sorte de ne comprendre qu’une seule chose de la politique : ou bien on a gnagné, gna gna gna, ou bien on n’a pas gnagné. En ce sens stupidement restreint, seul le pouvoir, en effet, peut être utile — à une certaine satisfaction. La politique, les affaires publiques, pour ceux-là, se résument à cette dichotomie archi-primaire. Une fois le vote compté, plus rien ne compte. Les gnagnants célèbrent, les perdants se morfondent.

Mais pour les autres, les adultes politiques, il y a lieu d’examiner la question de façon moins infantile.

Baigner dans la certitude qu’avoir une majorité de pantins d’arrière-ban au «pouvoir» promet la manne, c’est faire preuve de myopie politique. L’observation des faits, depuis des décennies, suffit amplement à démontrer que les grasses majorités produisent exactement l’effet contraire. Il faut donc être, soit très mal avisé — on en connaît — soit de mauvaise foi crasse — on reconnaît Mulcair — pour en venir à cette conclusion, et, qui plus est, l’ériger en certitude hors de tout doute.

Car, qu’a retiré de bon le Québec de toutes les majorités qu’il a accordées aux libéraux à Ottawa ? La loi des mesures de guerre ? Les magouilles référendaires de 1980 et 1995 ? Les exactions de la Arcee Empee ? La Constitution de 1982, imposée sans son accord ? (Cette Constitution fondée sur « La reconnaissance de la suprématie de Dieu », oui monsieur…)

Ou peut-être la doctrine multiculturaliste des Trudeau père et fils, découlant de cette même Constitution gardée par des juges, et contraire aux aspirations morales, laïques, linguistiques et identitaires de la nation québécoise, et qui, combinée à une politique immigratoire effrénée, met en danger la survivance même de cette nation ?

Ce ne sont là que quelques exemples des précieux  « bénéfices » qu’a retirés le Québec des majorités offertes au PLC. Ce parti, d’ailleurs, a toujours très bien compris qu’il n’est pas nécessaire de renvoyer l’ascenseur à une province qu’il a déjà dans sa poche. Mieux vaut travailler les régions moins sûres — comme l’Ontario. Et il s’en trouve pour considérer cela, non seulement comme utile, non seulement comme nécessaire, mais surtout comme la garantie indispensable de ne pas « tomber dans l’opposition », grand malheur s’il en est.

Parce que l’opposition, à quoi ça sert ?

Bon.

Donner à un parti au pouvoir (et particulièrement aux libéraux) l’opportunité de gouverner sans partage, sans entraves, voire sans critiques, c’est ouvrir la porte à tous les abus, à toutes les errances, aux pires folies. Une opposition forte et avisée peut pallier ce péril. Et, mieux encore, si cette opposition est assez nombreuse pour placer le gouvernement en minorité, alors fini les poussées d’autoritarisme. Obligé de composer, de négocier, il ne peut plus se permettre autant d’excès.

Ajoutons maintenant que si cette forte opposition est composée en grande partie par des députés du Bloc, voués par définition à la défense des intérêts du Québec, on ne peut naturellement qu’en attendre les plus grands bienfaits.

Mais allez dire ça à ceux qui ne comprennent du mot « démocratie » que le nom d’un sport comme un autre : pourvu qu’on gnagne, gna gna gna — et en trichant c’est encore mieux. Quant aux perdants, eux et leurs valeurs, ils ne méritent que le plus méprisable des sorts : l’opposition, ce club de perdants inutiles.

En être encore là, 2 500 ans après Platon…

Sauf que nos bouffons de service ne sont pas des penseurs, même rudimentaires. Ils ont appris par coeur quelques tours — tournures — faciles, qu’ils répètent depuis par réflexe, automatiquement, ad nauseam, et cela leur suffit — puisque suffisants.

Mais encore.

Si l’indépendance du Québec devait ne jamais se faire, si notre peuple devait s’estomper petit à petit dans ce Canada de plus en plus incompatible, voire hostile, le Bloc québécois aura cette ultime utilité de ne pas leur permettre de nous oublier si vite.

Ne serait-ce que pour cela…

Commentaires

2 réponses à “De « l’inutilité » du Bloc québécois.”

  1. Avatar de France
    France

    Vous avez tout à fait raison, M. Brunelle.

    Heureusement que le BLOC existe !

    France

    1. Avatar de Michel Brunelle
      Michel Brunelle

      Merci France !

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